Le « gezelligheid », ou pourquoi je reste

J’ai passé le jour de l’An à la lueur des bougies et des feux d’artifice, assise autour d’une table avec des Allemands et des Néerlandais jusqu’à 2h du matin, à tenter de décrypter les règles d’un jeu de cartes qui n’avait vraiment, vraiment rien d’élémentaire, mon cher Watson. Nous avons fini par opter pour un Rummikub – histoire de mettre tout le monde d’accord. Un réveillon parfaitement « gezellig » – comme le disent si bien les gens d’ici -, à l’image de mon année 2019.

Mon frère me connaît bien. Noël dernier, j’avais reçu de lui l’autobiographie inspirante de Michelle Obama. Cette année, il m’a offert The Little Book of Hygge de Meik Wiking, un livre sur l’art du bonheur, version danoise. Je prends rarement des notes lorsque je lis, mais cette fois-ci, je n’ai pas pu m’empêcher de garnir le petit livre de Post-its. Je ne sais pas si je suis faite pour être Danoise, mais je suis résolument faite pour vivre dans le nord de l’Europe. Car au Danemark comme aux Pays-Bas, on sait reconnaître le bonheur dans les petits choses, et surtout, on l’exprime. Les premiers l’appelleront le « hygge », les autres le « gezelligheid ». Le français et l’anglais n’ont pas d’équivalent ; ce n’est ni tout à fait la « joie de vivre » des épicuriens, ni l’atmosphère « cosy » d’un pub dans le fin fond du Yorkshire.

Photo : Priscilla Du Preez

FAIRE LE BILAN (… OU PAS)

J’ai toujours eu tendance, vers la fin de l’année, à faire des bilans – et je sais que je ne suis pas la seule. Le cerveau humain est sadique, et la plupart des bilans que nous faisons sont négatifs : tout ce que nous n’avons pas encore accompli, tout ce qu’il est arrivé aux autres, et pas à nous, pourquoi Thimothée Chalamet rajeunit alors que nous vieillissons à vue d’oeil, etc.

Une psychothérapeute m’avait conseillé de lister par écrit mes 15 moments les plus heureux de l’année écoulée. Le 1er janvier 2020, la mine et le foie chiffonnés après seulement 6 heures de sommeil, je me suis mise à noter tous les moments les plus joyeux que j’avais vécu, avant de me retrouver avec une sélection satisfaisante qui, en plus de me faire sourire malgré la fatigue, m’a permis de comprendre ce qui – et surtout ceux qui – me faisai(en)t me sentir bien.

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REGARDER AUTOUR DE SOI

Le « gezelligheid » dépend presque entièrement de la qualité de vos relations – jamais la quantité. De ceux qui ont rejoint votre tribu. Celle dans laquelle vous vous sentez en sécurité, et dans laquelle vous pouvez être vous-même. Ce sont ces conversations à coeur ouvert où l’on avoue à l’autre nos peurs et nos angoisses, ces livres qu’on s’échange et ces fous rires en terrasse, lorsqu’un serveur accumule les maladresses en vous servant deux fois plus de vin qu’à votre amie.

Le « gezelligheid » comme le « hygge » sont taillés pour les introvertis. Il s’agit d’une autre façon de se sociabiliser, en petit groupe. Ce sont ces moments où vous pouvez encore parler à tout le monde autour de la table sans avoir à crier parce que vous êtes trop nombreux ou que la musique est trop forte. Ce sont ces rendez-vous mensuels, ces traditions que vous créez avec vos amis proches, comme ces dimanches matins où l’on teste tous les cafés-brunchs d’Amsterdam (*podcast à venir).

Ce sont les marches dans la nature, les « bains de forêt » où l’on oublie le stress au travail, les licenciements et les inquiétudes, au fil des kilomètres. Où l’on reconnaît cette odeur si particulière, celle des conifères, de la mousse et de la terre, celle des pins ensoleillés, qui vous font remonter ou oublier le temps. C’est juste être là, profiter des plaisirs les plus simples et gratuits, sans forcément chercher à les immortaliser sur notre smartphone, parce que ça ne sera jamais aussi beau que dans notre tête.

Ce sont ces moments où l’on plonge dans un autre univers… littéraire, un nouveau livre, une histoire que l’on écoute ou que l’on écrit, ou simplement l’enthousiasme communicatif d’un amoureux des lettres.

Photo : Nils Schirmer

FAIRE PREUVE DE RECONNAISSANCE

L’année 2019 avait mal démarré, mais elle m’a appris une chose : la reconnaissance. J’ai appris à ne pas regarder dans les grandes lignes, mais à m’intéresser à toutes ces ponctuations de bonheur, qui se sont révélées bien plus importantes que le reste.

Dans ma liste des moments les plus « gezellig » de l’année, il y a ces visages familiers dans le public lors de mon spectacle de chant, il y a des anniversaires, des canicules et des soirées d’été, le plat de pâtes sur la table de camping, la chorale, une randonnée en forêt de 8 km avec un détour de 10 km, et beaucoup, beaucoup de sourires échangés (et de chaï latte consommés) dans des cafés.

Lorsque je marche dans les rues d’Amsterdam à la nuit tombée, que je risque un coup d’oeil par la fenêtre et que je vois un intérieur chaleureux et une famille s’affairer pour préparer le repas du soir, je comprends que je suis là où je dois être. Dans un environnement où je n’ai pas besoin de faire semblant.

Donc oui. Je reste.

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