Parfois, le destin prend de jolis détours. Traductrice de formation, spécialiste de l’expatriation et surtout globe-trotteuse, Clémentine Latron a choisi de dessiner le sien du bout de ses feutres – qui l’accompagnent à chaque voyage.
Une machine à écrire posée sur une caisse à vélo, une étagère entière dédiée à ses guides de voyage, des cruches en métal qu’elle glane sur les marchés pour les reconvertir en vases, quelques cartes postales qu’elle a dessinées elle-même : le studio amstellodamois de Clémentine Latron est à son image – vivant, joyeux et chaleureux. “Ce matin, j’ai dessiné un lama”, me dit-elle tout en me tendant une immense tasse de thé et en sortant d’un placard ses – nombreux – carnets de voyage. Car l’illustratrice, que l’on connaît aujourd’hui pour ses dessins sur les expatriés, est tout d’abord une voyageuse dans l’âme.

Clémentine trouve l’inspiration dans la vie de tous les jours, ne quittant jamais ses feutres, même en voyage, afin de croquer ce qui la fait rire, baladant son alter ego dessiné de ville en ville – du Transsibérien jusqu’au Japon. Rencontre avec une dessinatrice globe-trotteuse à l’imagination débordante.
CROQUER LE QUOTIDIEN
Si elle confesse avoir toujours gribouillé sur ses feuilles de cours et dans les agendas de ses copines, c’est en classe préparatoire et à travers un blog que Clémentine commence à s’intéresser aux situations du quotidien, se mettant elle-même en scène, “même si c’est souvent un peu exagéré”, confie-t-elle. Elle n’envisage cependant pas une carrière dans l’illustration à l’époque. Ainsi, après un master en traduction et management interculturel, des premières illustrations pour le magazine Confidentielles, un déménagement aux Pays-Bas et une rencontre décisive avec Courrier International – pour lequel elle dessine la vie d’expatrié -, ce n’est que récemment que la Française de 30 ans décide de se consacrer entièrement au dessin. En plus de ses vignettes sur les expatriés et leurs déboires – qui comptent de plus en plus de followers -, Clémentine poste sur les réseaux sociaux des dessins inspirés de ses escapades ; comme cette photo de Prague, par exemple, où l’on voit son propre personnage – aux boucles bien reconnaissables -, butant sur la prononciation du nom “Vltava”.

Ces carnets, de tous les formats et de toutes les couleurs, Clémentine les noircit ainsi d’anecdotes et, lorsque les mots ne suffisent pas, d’illustrations, bien évidemment.
DES VOYAGES ET DES LISTES
Son premier grand voyage “dessiné” est un trajet mémorable à bord du Transsibérien – un carnet qui combine à la fois dessins et textes. Chaque périple apporte son lot d’idées à dessiner. “Je note tout : j’ai un carnet plein de listes et même une application où je peux organiser mes idées par thème”, explique-t-elle. De nouvelles pistes pour d’autres dessins, parfois si nombreuses qu’elle restent en attente – comme après son voyage au Japon : “je lui ai consacré un grand dessin avec plusieurs vignettes, mais j’en ai encore trois en attente !”.

Ces carnets, de tous les formats et de toutes les couleurs, Clémentine les noircit ainsi d’anecdotes et, lorsque les mots ne suffisent pas, d’illustrations, bien évidemment. Au détour d’une page, des chars d’assaut ou une route coupant une forêt de sapins, en Russie. Une tentative – loupée – de manger un ramen façon japonaise, donne quant à elle naissance à une autre vignette pleine d’autodérision.
Quand l’opportunité se présente, Clémentine dessine aussi sur le vif : une façon de prendre le temps et de mieux se remémorer cet instant passé sur une terrasse à Rome, par exemple.

Quelques recherches sur Internet lui permettent souvent d’expérimenter et de répondre aux demandes parfois insolites de la part de ses clients.
DES ÉLÉPHANTS QUI FONT DU YOGA
Quelques traits suffisent à Clémentine pour donner vie à ses personnages. Un style qu’elle qualifie elle-même d’enfantin et d’humoristique – quelque chose que l’on retrouve chez certains des illustrateurs qui l’inspirent, comme Soledad Bravi, Pénélope Bagieu, les dessinateurs du New Yorker, et surtout, Sempé.
Son coup de crayon lui est venu assez naturellement, et a peu à peu évolué. D’abord uniquement en noir et blanc, “un peu plus brouillons”, avoue-t-elle, ses dessins sont désormais plus aboutis et prennent de la couleur, notamment grâce à sa tablette graphique, “un vrai gain de temps, qui me permet également de faire des retouches et d’aller plus dans le détail”.
Clémentine réserve ainsi ses dessins à la main à certaines commandes, et à ses illustrations personnelles – pour lesquelles elle utilise d’ailleurs d’autres techniques, comme le crayon ou l’aquarelle. Avec une préférence pour les couleurs chaudes – la robe de son personnage étant souvent rouge : “je fais aussi beaucoup de rayures en lui dessinant une marinière par exemple, beaucoup plus simple que de colorier”, admet-elle en riant, “et pourtant, je ne porte presque jamais de marinières dans la vie !”.

Certains dessins lui donnent cependant du fil à retordre : bien qu’elle vive à Amsterdam, l’illustratrice avoue détester avoir à dessiner les vélos. “Et on m’a fait remarquer que je ne dessinais jamais de menton à mes personnages”, ajoute-t-elle. Quelques recherches sur Internet lui permettent souvent d’expérimenter et de répondre aux demandes parfois insolites de la part de ses clients. Comme de devoir dessiner un éléphant ou un fossile en train de faire du yoga, ou de faire de Beethoven un “bad boy”.
Malgré un emploi du temps chargé (“Mes amis m’entendent souvent dire : ‘Je dois rentrer, j’ai pas fini mon dessin’” s’amuse-t-elle), la dessinatrice a de nombreux autres rêves et projets en tête. Effectuer des missions à l’étranger, réaliser des reportages illustrés ou encore créer ses propres guides de voyage, notamment. “Avec beaucoup de dessins”, précise-t-elle. Forcément. ●